Allongée, le corps lourd, les yeux fixant le plafond, mon esprit trépigne.
Sous ma moustiquaire, le temps est immobile.
Le voile frissonne. Le tissu forme des plis et des recoins au sein desquels l’imaginaire peut maintenant vagabonder.
Voilà que je cours, nue, dans les décors du grand sud. Quelle est ma direction ? Cela n’a pas d’importance. Ni honte, ni appréhension ne viennent hanter les terribles traits de mon humanité. Des herbes folles tentent de chatouiller mes pas, soutenues par la très saignante terre d’argile. Vers l’ouest, j’entends le bruit des vagues qui se fracassent gaiement sur les côtes de l’île. Suis-je une jument, un zébu ? Ou, bien mieux encore, une bulle de pensée pure, libérée d’enveloppe charnelle ? Cela n’a pas d’importance.
Ca n’appartient qu’à cette seconde, cette seconde de temps immobile. Et sous le rideau, je crois retrouver la béatitude de la gestation, moment intime où notre seul lien avec l’extérieur était le bruit de la mère.
Je cours. Je ris. Je vis. Je vois. Je flotte.
J’aspire, à être sous ma moustiquaire. Rien ne peut m’y arriver. Et c’est bien là que se cache le danger : sous ma moustiquaire.
Ailleurs, l’univers des Hommes est lâche. Les nuages hurlent, les
torrents grondent, les vagues s’insurgent et les jeunes pousses meurent,
noyées. Tout cela dans des silences et des regards détournés.
J’aimerais y faire exploser de joie chaque particule, chaque centimètre,
chaque morcellement de chaque être. J’aimerais.
Mais je suis sous ma moustiquaire, seule et dérobée du monde.
…
Voilà que mon souffle se régénère. Je vais bientôt m’extraire.
Mais laissez moi encore un instant. Une seconde d’immobile. Une seconde. Une,
avant de repartir